mercredi 28 septembre 2016

Ados trop gros, un cadeau empoisonné de l'évolution ?

En suivant des enfants pendant dix ans, des chercheurs ont constaté que leur métabolisme de base devenait plus économe entre 10 et 15 ans.
C'était une énigme pour les pédiatres et les nutritionnistes: pourquoi tant d'enfants prennent-ils trop de poids autour de la puberté?
On a d'abord pensé qu'entre un appétit aiguisé et une plus grande autonomie dans l'accès à la nourriture, il n'était pas étonnant que certains dépassent les objectifs de prise de poids. Pourtant, des études bien menées ont montré que les enfants en surpoids ne mangeaient pas forcément plus que ceux de poids normal. Ils avaient même tendance… à manger un peu moins. Un paradoxe qui ne laissait pas d'intriguer les spécialistes.
Une deuxième explication s'est alors imposée: la sédentarité. Une étude menée en Angleterre montrait par exemple qu'entre 10 et 15 ans un tiers des filles devenait inactif. Moins de dépenses caloriques, plus de kilos accumulés. Néanmoins, le compte n'y était pas, même en intégrant le paramètre des dépenses caloriques liées aux activités physiques.
Des chercheurs anglais de l'université d'Exeter ont découvert une troisième explication à la prise de poids durant l'adolescence, qu'ils détaillent dans l'International Journal of Obesity. Pour comprendre ce qui se passe, il faut savoir que les dépenses caloriques ne se font pas seulement par l'activité physique, mais aussi (et surtout) de façon tout à fait involontaire, par le métabolisme de base. En effet, 24 heures sur 24, même au repos, l'organisme a besoin pour fonctionner de brûler des calories. «Penser, garder le sang chaud, faire vivre le cœur, le foie et les reins permet de dépenser jusqu'à 1 600 calories par jour à l'adolescence», explique ainsi le Pr Terence Wilkin, spécialiste d'endocrinologie et de métabolisme qui a piloté l'étude. Chez l'adulte, ce métabolisme basal représenterait jusqu'à 70 % de la dépense énergétique totale.

Une étude menée sur dix ans

Pour savoir comment cette dépense énergétique au repos évolue durant l'adolescence, le Pr Wilkin et ses collègues ont suivi, pendant dix ans, une cohorte de 347 enfants en bonne santé scolarisés à Plymouth et âgés de 7 ans au début de l'étude. Tous les six mois, les chercheurs notaient la taille et le poids des enfants et, une fois par an, ils calculaient leurs dépenses caloriques. Les dépenses «volontaires» étaient estimées en fonction de l'activité physique des enfants, mesurée au moyen d'un accéléromètre porté à la ceinture pendant sept jours. La dépense énergétique au repos était mesurée à partir de la consommation d'oxygène.
Les chercheurs notaient aussi l'évolution de la composition corporelle, en soumettant chaque année les enfants à une «absorptiométrie biphotonique à rayons X» (DEXA), technique d'imagerie qui permet de déterminer la répartition entre masse grasse et masse maigre.
Les enfants faisaient partie de la cohorte EarlyBird, un vaste programme de recherche lancé par l'école de médecine de l'université d'Exeter pour mieux comprendre l'épidémie d'obésité et de maladies associées, notamment le diabète, chez les enfants et adolescents. Un enjeu d'importance: selon une étude publiée parThe Lancet en avril, si rien n'est fait, un cinquième de la population sera obèse en 2025 !

«Une heure de zumba en moins ou un BigMac en plus»

Sans surprise, les chercheurs ont noté que la consommation énergétique de base augmentait jusqu'à 10 ans, en cohérence avec l'évolution de la masse corporelle. Mais, plus surprenant, cette même dépense énergétique de base diminuait ensuite d'un quart entre 10 et 15 ans! Ainsi, un enfant au repos brûlait quotidiennement de 100 à 200 calories de moins à 15 ans qu'à 10 ans, soit l'équivalent de 450 à 500 calories de moins si l'on prend en compte l'augmentation de la masse corporelle. «Comme s'il faisait chaque jour une heure de zumba en moins ou mangeait un BigMac en plus», expliquent les chercheurs dans un communiqué. Une découverte «contre-intuitive», notent les auteurs: la dépense calorique de base est étroitement liée à la masse corporelle, or celle-ci continue à augmenter de façon importante à l'adolescence.
D'où vient cette chute du métabolisme de base? «Nous ne pouvons que spéculer», explique le Pr Wilkin. Les auteurs ont en effet exploré plusieurs pistes hormonales, mais aucune n'apporte d'explication satisfaisante. L'évolution de la répartition entre masse grasse et masse maigre n'éclaire pas plus le phénomène, car elle devient à cet âge très différente entre filles et garçon, tandis que les changements du métabolisme basal sont similaires. Dernière piste évoquée par les auteurs: cette baisse «temporaire mais substantielle» de la dépense énergétique au repos «pourrait être le résultat de notre évolution». Cette meilleure «efficacité» énergétique permettrait en effet «à l'organisme de réserver à la croissance les calories absorbées». Mais ce qui est un avantage quand les ressources manquent devient un handicap lorsque la nourriture abonde…

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