mardi 27 septembre 2016

Hausse du nombre des prescriptions d’antidépresseurs

Le nombre d’ordonnances d’anti­dépresseurs aux aînés québécois a augmenté de 56 % en seulement cinq ans, a appris Le Journal.

En 2015, pas moins de 4 647 065 ordonnances ont été remises à des gens de 65 ans et plus assurés par la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ).

Hausse de 56 %
Il s’agit d’un bond spectaculaire de 56 % par rapport à 2010, alors qu’un peu moins de trois millions d’ordonnances avaient été remboursées (voir tableaux).
«C’est énorme. [...] Et c’est déprimant», réagit Pierre Blain, directeur du Regroupement provincial des comités d’usagers.
«Les médecins traitent avec une pilule plutôt que de trouver la vraie solution. On a un problème de société», ajoute-t-il, comparant ce phénomène à celui du Ritalin chez les enfants hyperactifs (voir autre texte).
Entre 2010 et 2015, le nombre de personnes âgées qui ont eu au moins une ordonnance d’antidépresseurs est passé de 143 884 à 196 243 (+36 %).
Bien qu’il s’agisse d’un facteur à prendre en considération, le vieillissement de la population n’explique pas tout. La proportion de personnes de plus de 65 ans a augmenté de 20 % de 2010 à 2015, selon l’Institut de la statistique du Québec.
Près de 90 % des 65 ans et plus ont une assurance médicament avec la RAMQ.
L’an dernier, la facture totale a atteint 36,8 millions $. À noter que le coût des médicaments a diminué de 7,7 % entre 2010 et 2011, ce qui explique la faible hausse de la facture totale en cinq ans.
Un « moindre mal »
La RAMQ précise que certains antidépresseurs sont aussi prescrits pour soigner l’angoisse et la douleur neuropathique.
Cette classe de médicaments est effectivement préférable aux anxiolytiques (pour l’angoisse), confirme une gériatre.
«Les antidépresseurs, c’est le moindre mal comparativement aux autres médicaments dans la sphère psychiatrique. Ils sont “moins pires”», explique la Dre Lucie Boucher, du Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM).
Récemment, les recherches ont montré que les anxiolytiques peuvent créer une dépendance et accroître le déclin des fonctions cognitives et les chutes.
Bien qu’elle considère que la prise de médicament ne soit pas l’unique solution, la Dre Boucher observe une meilleure qualité de vie chez des patients médicamentés.
«Ça ne fonctionne pas pour tout le monde, mais chez certains, ça fait une différence», dit-elle, ajoutant que les aînés sont davantage portés à parler de leurs problèmes de déprime et d’angoisse qu’auparavant.
Outre les maladies cognitives, plusieurs problèmes peuvent mener à la prise d’antidépresseurs, dont le passage à la retraite, la perte du permis de conduire et les deuils.

Ordonnances

La prescription de la facilité déplorée

Plusieurs organismes dénon­cent la prescription d’antidépresseurs aux aînés par facilité, plutôt que de trouver la vraie source du problème.
«Ce n’est pas une pilule qui va régler magiquement les problèmes d’insomnie et d’angoisse», souligne la Dre Yun Jen, présidente de l’Association médicale du Québec (AMQ) et spécialiste de la santé publique.
Causes de fond
«Il ne faut pas juste voir l’aspect médical. C’est un problème de société, il faut se questionner sur les cau­ses de fond», ajoute-t-elle.
Isolement, faillites, deuils, non-accès aux services sociaux: plusieurs facteurs contribuent à faire grimper l’angoisse et la déprime de certaines personnes âgées.
«Elles ont peut-être plus de raisons d’être déprimées, ça fait partie d’un ensemble», croit aussi Pierre Blain, du regroupement provincial des comités d’usagers.
«Plusieurs problèmes pourraient être traités en psychothérapie, mais il n’y a pas assez de services pour eux», déplore-t-il, ajoutant que les idées suicidaires sont fréquentes chez les aînés.
Voilà maintenant plusieurs années que l’AMQ déplore le surdiagnostic. Sans blâmer uniquement les médecins, la Dre Jen croit que ce problème de société doit faire l’objet d’un sérieux examen de conscience.
Prendre le temps
«Ça prend un bon examen médical, mais il ne faut pas être trop vite sur le bloc d’ordonnances et penser à une solution rapide. Ça ne règle rien à long terme», dit-elle.
«Les médecins travaillent dans un système qui exige un haut débit de service, mais les patients mettent aussi de la pression pour avoir une pilule. C’est une culture à corriger.»
Elle ajoute que la «polypharmacie» (prise de plusieurs médicaments) des personnes âgées entraîne des risques qui doivent être davantage pris en considération.

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