mardi 27 septembre 2016

La première greffée du visage est morte d’une tumeur maligne rare

Isabelle Dinoire, première patiente au monde greffée du visage, est morte en avril d’« une longue maladie », un peu plus de dix ans après une opération qui reste exceptionnelle et difficile à maîtriser en raison des complications. Cette information du Figaro a été confirmée mardi 6 septembre par le centre hospitalier universitaire d’Amiens, où cette première greffe de la « face », avait été réalisée le 27 novembre 2005. Son décès n’avait pas été annoncé plus tôt, en accord avec la volonté de ses proches. Le centre hospitalier d’Amiens où elle était traitée a précisé, mercredi, qu’elle était décédée en raison d’une « récidive d’une tumeur maligne » rare qui ne peut être « scientifiquement reliée » au traitement antirejets qu’elle prenait.

Défigurée par son chien, Isabelle Dinoire avait 38 ans lorsqu’elle a bénéficié d’une greffe partielle du visage (nez-lèvres-menton) réalisée par l’équipe du professeur Bernard Devauchelle, du centre hospitalier d’Amiens, en collaboration avec le professeur Jean-Michel Dubernard de Lyon.

En France, l’annonce de cette intervention avait été effectuée le 6 février 2006 lors d’une conférence de presse où Isabelle Dinoire était apparue à visage découvert, avec un résultat clinique qui allait notablement s’améliorer par la suite. Cela avait suscité des espoirs dans le monde pour les personnes atteintes d’une maladie qui les défigure ou pour blessés – accidentés, grands brûlés, victimes d’arme à feu…

Depuis, les Etats-Unis, l’Espagne, la Chine, la Belgique, la Pologne et la Turquie se sont lancés dans cette transplantation partielle ou totale. Au total, 36 transplantations du visage ont été pratiquées depuis 2005 dans le monde, dont dix en France : trois effectuées en collaboration par les équipes d’Amiens et de Lyon et sept par celle de l’hôpital Henri-Mondor (Créteil, AP-HP).
« Le prix à payer »

Dans son communiqué, le CHU d’Amiens, indique que « les 36 cas réalisés ont montré que la transplantation de la face donnait des résultats fonctionnels et esthétiques très supérieurs à ceux offerts par la chirurgie conventionnelle réparatrice », en particulier pour la récupération de certaines fonctions comme la phonation, la déglutition, la mastication…

Les risques de rejet à court et à long terme de tissus provenant de donneur décédé constituent l’un des défis de cette chirurgie lourde et complexe. Elle impose en effet un traitement immunosuppresseur anti-rejet. Dans un avis rendu le 6 février 2004, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) estimait que « le traitement immunosuppresseur à vie fait passer la personne d’une situation de handicap majeur à celle d’un authentique risque vital ». Le CCNE soulignait que ce traitement « immédiatement toujours parfaitement accepté, risque de devenir à long terme insupportable, à l’occasion par exemple d’une maladie intercurrente ou du vieillissement. Qu’en sera-t-il alors du prix à payer, c’est-à-dire d’une destruction rapide inéluctable de son visage ? »

Sur les 36 personnes greffées dans le monde, six sont décédées, dont Isabelle Dinoire et deux des sept patients greffés à Créteil. « Tous les patients qu’on a opérés ont fait des rejets, relève auprès de l’Agence France-Presse le Dr Jean-Pierre Meningaud du CHU Henri-Mondor de Créteil, ce qui conduit à augmenter les doses de médicaments et avec, les risques. »

Dans le cas d’Isabelle Dinoire, précise le CHU d’Amiens, diverses infections s’étaient développées, ainsi qu’une « tumeur liée à l’immunosuppression qui a été traitée, maîtrisée et suivie depuis six ans », une diminution de la fonction rénale et l’apparition d’une hypertension artérielle. Au cours de la neuvième année suivant la greffe, le rejet est devenu chronique entraînant la perte du greffon facial en juin 2015. Au printemps 2016, le bilan mensuel a décelé une récidive d’une tumeur maligne opérée en 2015 « dont la nature ne peut être scientifiquement reliée au traitement immunosuppresseur » et « hors de toute ressource thérapeutique », précise le CHU d’Amiens.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire